bienvenue aux émotifs anonymes (attention post long comme le bras, on est précis ou on ne l’est pas)
samedi, j'ai voulu faire plaisir à mes filles.
mon mari bossait le matin et vers midi, je leur ai dit "les filles, ce midi, on se fait la totale : apéro (en coeur "ouaiiiiiiiiis !!!!"), et ensuite on mange devant un dvd (en cœur + regard où se mêlent incompréhension et excitation "ouaiiiiiiiiiiiiiis ouaiiiiiiiiiiiiiis ouaiiiiiiiiiiiiiis !!!!!").
on ne le fait jamais. mon mari et moi, on est des gros lourds de la télé avec nos enfants.
déjà, on ne met jamais la "vraie" télé à nos enfants, on ne leur met que des dvd.
de préférence des dessins animés qui ne font pas peur, avec des dessins délicats. tous les films de michel ocelot (princes et princesses, etc.) rentrent totalement dans cette catégorie. toute la famille est fan - rien à dire.
mais il y a aussi des films que je n'ai pas pu m'empêcher de montrer à mes filles parce que je les aime depuis toujours et qu'ils sont mes madeleines, tels que peau d'âne ("amouuuu amouuuur je t'aime tannnnnt"), les demoiselles de rochefort, mary poppins, la mélodie du bonheur et autres chefs d'œuvre.
pour ceux-là, j'avoue ne pas avoir toujours réfléchi avant de leur montrer, parce qu'il s'y trouve quelques épisodes un peu... comment dire... difficiles à expliquer, encore plus qu'à comprendre pour des enfants (notamment, j'en ai déjà parlé, l'épisode du débitage en morceaux de la starlette par un serial*killer dans les demoiselles de rochefort).
mais bon, je me dis que la vie est faite de bonnes choses comme de plus difficiles et que, quand un événement un peu "violent" ou bizarre se produit dans l'un des films qu'elles regardent, l'essentiel est qu'on soit là pour leur expliquer ce qui se passe et tout va bien dans le meilleur des mondes. non ?
où en étais-je ?
ah oui, notre apéro / dvd.
et je me dis que pour que ce soit vraiment la fête, je vais sortir LE dvd que j'ai acheté il y a mille ans 3 mois et que je n'ai pas encore montré aux filles (acheté en me disant que je le regarderais avant pour vérifier qu'il est vraiment pour les enfants - ce que je n'ai pas fait...)
le film est japonais et s'appelle : "tom et le renard" (keita kono, 2005).
pour être parfaitement exhaustive (parce qu'être exhaustive en toutes circonstances est important chiant), je précise, avant de poursuivre, que j'avais acheté ce même jour pour les filles un autre film japonais "omohide poro poro", mais un hasard malencontreux ou tout simplement ma connerie inhérente à moi-même a fait que le dvd n'est visible qu'en japonais et que personne dans notre famille ne comprend ni ne lit le japonais (j'ai bien pensé proposer le dvd à la maman d'une copine de R. qui est japonaise mais j'ai honte de lui avouer ma bêtise et donc le dvd croupit à la maison et prend la poussière - s'il intéresse quelqu'un... je suis certaine qu'il est extra !)
bref, l'exhaustivité me coupe dans mon élan.
tom et le renard donc.
en le mettant, je me suis dit l'amitié entre un enfant et un animal, ça ne peut être que chouette, plein de valeurs hyper positives pour les enfants, genre l'amitié, la fidélité, le courage, la persévérance. le genre de film dont on se souvient longtemps, tellement il est beau, fort tout ça.
je ne m'étais pas trompée. aheum.
je vous plante le décor : tom a une dizaine d'années, sa maman est photographe et part à l'autre bout du monde prendre des photos la pouf, en laissant son fils à son nouveau keum, un vétérinaire légèrement froid, qui a une fille de quelques années de plus que tom et qui n'est pas franchement plus accueillante que son père. l'enfant est souvent seul, dans sa nouvelle école, il est plein d'imagination et sa tête est peuplée de créatures et de sorcières. et puis un jour, tom découvre au bord d’une route une toute jeune renarde qui se laisse caresser. à la suite d'une histoire pas possible, il se retrouve à ramener le renard chez le véto de la région, qui n'est autre que le mec de sa mère. mais le plus sympa glauque dans cette histoire, c'est que la renarde (qu'il appelle Helen) non seulement a perdu sa maman, mais également la vue et l'ouïe.
et oui.
et là, vous vous dites "elle aurait aussi bien pu acheter un dvd de bar*bie ou un énième dis*ney, son apéro aurait été vraiment joyeux !" et bien non, j'aime les défis ! (ou plutôt, j'aime bien improviser parce que je vous rappelle que quand j'ai acheté ce dvd sans rien en connaître, je m'étais dit qu'il fallait que je le regarde AVANT de le voir avec mes filles, ce que je n’ai PAS FAIT).
et ce défi s'est transformé en une expérience vraiment très enrichissante pour tout le monde. (si si).
pour vous la faire courte (et non exhaustive), je vous dirai qu'aux 3/4 du film la renarde meurt.
non sans avoir fait quelques crises genre d'épilepsie, genre qu'on dirait qu'elle a la rage et la tremblante du mouton en même temps ! (genre horrible) le véto explique à tom que c'est parce qu'elle ne voit ni n'entend rien et que donc, parfois, elle prend peur (tu m'étonnes). à un moment même, pour lui montrer que la vie de la renarde n'est vraiment pas drôle et qu’il ne faut pas tout tenter pour la garder en vie, le véto bande les yeux de tom et lui met du coton dans les oreilles pour lui faire ressentir ce que ressent sa renarde. et ben, je peux vous dire qu'à ce moment, plus personne ne parlait à table, ni ne mangeait d'ailleurs (dommage, car pour faire vraiment un déjeuner joyeux, j'avais fait des trucs super bons, genre pâtes et poisson pâné, que n'importe quel enfant aurait trouvé délicieux), et mon mari - qui était rentré entretemps du boulot et m'avait fait remarquer que toute cette fête c'était pas un peu la fête du slip dis moi ? - me jetait des coups d'œil inquiets du genre "mais QU'EST c’que c'est qu'ce film ??" (un peu comme le "QU'EST c'que c'est qu'ces notes ? de la pub pour le lait, vous vous rappelez ? j'adorais la tronche du père).
je vous la ferai également courte en vous disant que, comme de bien entendu, A. ma grande A. de presque 8 ans a été totalement bouleversée par le film et s’est transformée en fontaine. ça a commencé quand Helen a commencé ses "crises" et ça a littéralement redoublé quand elle est morte. elle n'était plus qu'un sanglot et donnait l'impression qu'elle venait de percer le mystère du monde et que ce n'était pas joli joli.
j'avais le cœur brisé et ne savais que faire.
et pour couronner le tout, quelques minutes après la fin du film, elle devait partir à l'anniversaire d'une très bonne amie à elle. et là, elle nous a dit "je veux plus y aller".
comment dire.
j'y suis allée de mes "ma chérie, mais tu comprends mais elle était très malaaaade Helen, et puis elle a eu une belle vie - en l'occurrence pas vraiment mais bon ça aide à faire passer et puis sur le coup, j'aurais raconté n'importe quoi pour qu'elle ne soit plus triste - avec tom qui s'occupait d'elle, elle a eu de la chance d’avoir un ami comme tom - oui j'y croyais presque...
elle a finalement accepté de mettre son manteau, de se coiffer un peu (histoire de rester digne en toutes circonstances) et a séché ses larmes.
et là, pleine de fierté de voir ma toute grande fille se reprendre, j’ai regardé mon mari qui avait le manteau sur le dos et j’ai vu que ses yeux (oui les yeux de mon mari) étaient tout mouillés. Il m’a souri et m’a dit « ben moi aussi je trouve ça triste l’histoire de cette renarde… »
et là, A. a dit « attends papa, il faut que je vide mes poches avant de partir à l’anniversaire », elle en a sorti environ 2 kgs de trucs et de bidules, des bouts de papiers, des marrons, des cailloux et autres merveilles de la nature.
et là, on s’est regardés avec mon mari et on a compris.
ou plutôt J’AI compris que son émotivité à fleur de peau, elle ne la tire pas de moi, mais de son père.
qui se trimballe avec environ 13 kgs de machins dans les poches, qu’il vide allègrement sur la table à manger, chaque soir.
des papiers, des clefs (de tous les endroits qu’il connaît et où il ne va jamais mais-on-sait-jamais), des serviettes de mc*do, des clopes (pas bien), des vis, de la colle (véridique), des cure-dents, des chewing-gums, des puts de golf (il a golfé deux mois entre juin et août 2006, mais-on-sait-jamais) et j’en passe.
vous me direz qu’on ne voit pas le rapport entre le fait de se bourrer les poches de trucs inutiles et le fait de pleurer devant un film pour gamin. mais moi j’ai bien vu que ces deux là étaient faits dans le même moule…
je vous rassure (ou pas), R. de son côté, 5 ans et toutes ses dents (à son grand désespoir d’ailleurs), n’a pas versé une larme et, une fois la porte fermée sur sa sœur et son père (chacun s’essuyant les yeux avec son écharpe), elle m’a dit « bon maman c’était quand même assez triste donc je pense que maintenant il faut mettre heidi ».
euh mais bien sûr ma chérie, tu veux dire la petite fille qui n’a plus de parents et qui n’a, pour seule amie, qu’une petite fille handicapée qui n’a, elle non plus, plus de maman et qui est élevée par une gouvernante insupportable ?
bon, ok.
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